October 13-November 1, 2022
“Le moment fatal”
Salon de Montrouge,
Beffroi de Montrouge (FR)
lemomentfatal.fr
Relecture : Juliette Kernin
Coaching : Mathilde Maillard
Remerciements :
L’équipe des médiateur·trices et toutes les personnes qui ont répondu aux appels téléphoniques.
Conception du site : Céline Gay
Le 13 octobre 2022, 13h02
Première pensée ce matin : pourquoi cette pièce qui me pousse vers les autres alors que c’est quelque chose qui m’angoisse assez, surtout les appels téléphoniques que je crains depuis toujours ? Le protocole me rassure un peu, je suis un schéma, les conversations font partie de cette machine à écrire. L’écriture doit se faire rapidement, sans trop juger, et je peux écrire à partir de toute situation, cela ne peut pas rater.
Mon premier job en tant qu’étudiante en Beaux-Arts, il y a 15 ans, c’était pour une entreprise d’analyse en tant qu’intervieweur téléphonique. Un grand bureau en open space dans une tour, chacun·e sur son ordi avec son casque d’appel. L’ordi lançait tout seul les appels, l’un après l’autre, un questionnaire à suivre, des cases à cocher, des échelles de satisfaction de 1 à 10. C’était des questions sur des produits ménagers le plus souvent, parfois des sondages d’opinion. La plupart des gens appelés refusent, certains avec agression, d’autres encore parlent trop volontairement en dépassant le temps et le sujet de l’entretien, ce qui m’attristait car chercher de l’intimité dans une construction qui sert à augmenter la consommation en analysant le désir des consommateur·trices, relève de l’isolement, de la solitude. Avec ce projet moi aussi je cherche une intimité peut-être déplacée avec le public.
Mais le plus souvent dans ce job c’était les refus, que je prenais un peu trop personnellement à 18 ans. Je n’arrivais pas à convaincre les gens de rester au téléphone avec moi, alors que mon amie des Beaux-Arts qui m’avait fait rentrer dans cette entreprise était l’une des meilleurs intervieweurs, elle arrivait à clôturer plus d’entretiens que les autres, ce qui voulait dire qu’elle gagnait plus. Je ne suis pas restée longtemps dans ce job.
L’expérience du vernissage d’hier reste très présente, le bruit, la masse de gens envahissant et remplissant les espaces d’exposition, les regards. Je me suis éloignée de mes pièces pour ne pas trop voir comment les gens passent devant. Je n’ai pas eu envie de parler. Un sentiment de saturation.
Je me dis qu’il faut que je me lance dans les appels, qu’il faut que ça reste quelque chose de léger, une chose que je peux faire de là où je suis. Je suis dans une chambre chez des ami·es où l’on loge avec Jules. Je regarde mon téléphone, il y a plusieurs messages dans le groupe WhatsApp qui a été créé pour le montage, des remerciements, des émoticônes de cœurs, de bouquet de fleurs. Mathilde, à qui j’ai demandée d’être mon coach pour ce projet, m’écrit pour autre chose, et me demande si ça va à Paris. Je dis que je prends des forces pour le premier appel. Elle me dit qu’il faut que j’essaie de penser que ces appels sont des moments pour moi. Je m’installe. C’est la première fois que j’ai un moment un peu calme, toute seule, cette semaine. J’ai enregistré les numéros des trois téléphones portés par les médiateur·trices.
October 13-November 1, 2022
“Le moment fatal”
Salon de Montrouge,
Beffroi de Montrouge (FR)
lemomentfatal.fr
Relecture : Juliette Kernin
Coaching : Mathilde Maillard
Remerciements :
L’équipe des médiateur·trices et toutes les personnes qui ont répondu aux appels téléphoniques.
Conception du site : Céline Gay
Le 13 octobre 2022, 13h02
Première pensée ce matin : pourquoi cette pièce qui me pousse vers les autres alors que c’est quelque chose qui m’angoisse assez, surtout les appels téléphoniques que je crains depuis toujours ? Le protocole me rassure un peu, je suis un schéma, les conversations font partie de cette machine à écrire. L’écriture doit se faire rapidement, sans trop juger, et je peux écrire à partir de toute situation, cela ne peut pas rater.
Mon premier job en tant qu’étudiante en Beaux-Arts, il y a 15 ans, c’était pour une entreprise d’analyse en tant qu’intervieweur téléphonique. Un grand bureau en open space dans une tour, chacun·e sur son ordi avec son casque d’appel. L’ordi lançait tout seul les appels, l’un après l’autre, un questionnaire à suivre, des cases à cocher, des échelles de satisfaction de 1 à 10. C’était des questions sur des produits ménagers le plus souvent, parfois des sondages d’opinion. La plupart des gens appelés refusent, certains avec agression, d’autres encore parlent trop volontairement en dépassant le temps et le sujet de l’entretien, ce qui m’attristait car chercher de l’intimité dans une construction qui sert à augmenter la consommation en analysant le désir des consommateur·trices, relève de l’isolement, de la solitude. Avec ce projet moi aussi je cherche une intimité peut-être déplacée avec le public.
Mais le plus souvent dans ce job c’était les refus, que je prenais un peu trop personnellement à 18 ans. Je n’arrivais pas à convaincre les gens de rester au téléphone avec moi, alors que mon amie des Beaux-Arts qui m’avait fait rentrer dans cette entreprise était l’une des meilleurs intervieweurs, elle arrivait à clôturer plus d’entretiens que les autres, ce qui voulait dire qu’elle gagnait plus. Je ne suis pas restée longtemps dans ce job.
L’expérience du vernissage d’hier reste très présente, le bruit, la masse de gens envahissant et remplissant les espaces d’exposition, les regards. Je me suis éloignée de mes pièces pour ne pas trop voir comment les gens passent devant. Je n’ai pas eu envie de parler. Un sentiment de saturation.
Je me dis qu’il faut que je me lance dans les appels, qu’il faut que ça reste quelque chose de léger, une chose que je peux faire de là où je suis. Je suis dans une chambre chez des ami·es où l’on loge avec Jules. Je regarde mon téléphone, il y a plusieurs messages dans le groupe WhatsApp qui a été créé pour le montage, des remerciements, des émoticônes de cœurs, de bouquet de fleurs. Mathilde, à qui j’ai demandée d’être mon coach pour ce projet, m’écrit pour autre chose, et me demande si ça va à Paris. Je dis que je prends des forces pour le premier appel. Elle me dit qu’il faut que j’essaie de penser que ces appels sont des moments pour moi. Je m’installe. C’est la première fois que j’ai un moment un peu calme, toute seule, cette semaine. J’ai enregistré les numéros des trois téléphones portés par les médiateur·trices.